Opale s’était levée tôt aujourd’hui. Enfin, comme à son habitude. Mais ce jour est différent. En effet, sa famille l’a autorisé à sortir. Elle y a droit très rarement. Voilà pourquoi elle saute de son lit, et se prépare le plus vite possible. Elle veut profiter de cette journée. Une fois levée, l’albinos trottine jusqu’à la salle de bain, où elle se passe un coup d’eau sur le visage. Il la faut bien réveillée pour sa sortie. Se regardant dans le miroir, elle peut croiser son regard ; Des yeux emplis d’une sorte d’excitation. Si sa forme lupus avait pris le dessus, elle se tiendrait probablement droite, le regard joueur avec sa queue se secouant vivement, et la langue pendante sur le côté. Mais elle n’a actuellement pas cette forme. Et fort heureusement. Elle aurait probablement détruit la salle de bain en bondissant partout avec sa taille animale.
Une fois sa toilette terminée, elle enfile une robe. Une robe simplette, de couleur crème. Elle veut prouver à ses parents qu’elle peut sortir sans problème. Qu’elle peut ressembler à une humaine. Tout ce qu’il y a de plus banal. Elle ne veut pas se montrer différente. Elle veut découvrir le monde. La fausse rouquine veut surtout se faire des amis. Chose qu’elle ne connait pas. Après tout, elle sort rarement. Et lorsqu’elle est dehors, la plupart des chiens aboient sur elle. Ce qui, au final, peut lui faire prendre des détours pas croyables, seulement pour les éviter.
L’hybride s’ébroue, sous la joie surtout, et se regarde dans le miroir. Elle fait la moue. Mince, ses cheveux sont en bataille maintenant. Rapidement, elle les coiffe, histoire de ne pas ressembler à une fille des rues. Pauvre enfant qui ignore tout de la vie. Elle ne sait pas que les personnes avec qui elle s’entendrait le mieux, ce sont les gamins. Sa naïveté la rend innocente. Mais cette innocence pourrait un jour lui être fatale. C’est idiot, n’est-ce pas ? Il faut vraiment être une personne forte, ou cruelle pour pouvoir vivre dans ce monde. Mais bon. Opale est tout le contraire. Elle est petite, frêle, pâle, et toujours joyeuse. Une gaité qui peut être contagieuse. Voire dangereuse.
Arrivant dans la cuisine, l’albinos récupère un bout de pain qu’elle mange lentement. On lui a tant de fois rappelé que plus on mangeait vite, plus on aura faim tôt, que finalement, c’est rentré. C’est d’ailleurs la seule chose qu’elle fait de lent. Elle met ses chaussures, grignotant toujours le bout de pain. Heureusement que les affaires sont rentables à Londres, sinon, sa famille et elle n’auraient rien à manger. Une fois la nourriture entièrement avalée, la petite se lève, et sort de la maison, prévenant ses parents de son départ avant de refermer la porte. Seulement voilà. Elle a prévu tellement de choses qu’elle ne sait pas par où commencer. Elle se retrouve donc stoïque, devant l’entrée de chez elle ─ qui est aussi l’entrée de la boutique ─ à réfléchir. Un sourire étire ses lèvres. Le parc. La dernière fois, elle avait fait une belle découverte au bord de la Tamise. Alors pourquoi pas au parc ? C’est calme, et beau. Très coloré.
Toujours avec son sourire, elle trottine dans la rue, tentant de marcher. Malgré cela, elle a tout de même une allure assez vive. Il lui tarde d’arriver. Certes, ce n’est pas comme si elle allait retrouver ses amis. Mais bon, elle ne connait pas cela, vu qu’elle n’en a pas. Pour elle, il y a une possibilité de lier une amitié avec la nature. Et c’est ce qu’elle entretient depuis toujours. Candide gamine aux rêves utopiques.
Après quelques minutes de marche, l’hybride arrive enfin à ce qu’elle voulait. L’entrée du parc. Son sourire s’agrandit donc, alors qu’elle pénètre dans l’endroit. Regardant autour d’elle, l’excitation monte. Elle est si heureuse. Elle pourrait exploser de joie, mais elle se retient. Il ne faudrait pas qu’elle attire trop de regards sur elle. Elle doit paraître le plus normal possible. Bien que pour l’instant, le parc semble vide de monde. Et lorsque l’on regarde l’heure, on comprend tout de suite pourquoi. Il est peut-être un peu tôt. Ou les commerçants sont encore à leur travail. Ou certains enfants ─ souvent des garçons, et peu d’écoles sont gratuites ─ sont scolarisés.
Ravie d’être seule, la jeune fille sautille donc vers la fontaine. De l’eau. Elle en est autant attirée que repoussée. A vrai dire, elle en a simplement peur. C’est compréhensible. Après tout, elle ne sait pas nager. Assise au bord, elle est penchée au-dessus de ce liquide limpide. La curiosité est un vilain défaut, n’est-il pas ? La petite se penche encore plus, jouant avec l’eau. Elle plonge sa main, et la retire vivement.
C’est froid ! pense-t-elle alors qu’un frisson la parcourt. Opale s’amuse ensuite à tracer des choses dans l’eau, les regardant disparaître avec fascination.
Elle ne saurait dire comment, mais quelque chose la fige. Elle se redresse, humant l’air. Une nouvelle odeur. Une fois encore, on dirait un parfum humain. Mais aussi un mélange. Il y a donc un humain, présent, dans le parc. Lentement, la fausse rousse se tourne vers la personne, ignorant son identité. Eh oui, malgré son côté animal, elle ne parvient pas à reconnaître les odeurs. Du moins, elle connaît celle de l’Homme. Mais le reste, elle ne parvient pas à les différencier.
Une femme se tient face à elle. L’hybride la regarde, son petit nez bougeant un peu. Elle hume toujours son odeur. Une émanation qui lui est familière. Pendant un court instant, l’albinos ferme les yeux, recommençant sa manœuvre. Aussitôt, l’image de sa mère apparaît. Elle rouvre les paupières, clignant des yeux. Cette dame serait donc un ange ? Le silence pesant un peu, Opale ne la quitte pas du regard :
« Kyu ? finit-elle par dire en penchant la tête sur le côté. Bonjour ! »
Un sourire étire ses lèvres. A vrai dire, elle ne savait que dire de plus.