Ce jeune homme que vous voyez là n'avait pas d'identité lorsque Cane Stojkanovic, fringuant capitaine de la l'armée serbe, le dénicha sur le bord d'une route campagnarde. Il était seul et transit par les bourrasques automnales, revêtu uniquement d'une large chemise blanche de la taille d'un adulte. Ce n'était alors qu'un petit enfant -âgé de quatre ans tout au plus- qui savait à peine s'exprimer. Cane l'emporta alors avec lui, persuadé que le bras de Dieu l'avait guidé jusqu'au garçonnet pour le sauver. Il le recueillit et lui donna le nom de Dimitri.
C'est donc aux frontières Nord-Est d'une Serbie fraîchement indépendante que l'enfant entreprit une existence radieuse et intrépide de petit garçon. Le couple adoptif était humble mais pu lui offrir une enfance heureuse, comblée par l'amour de ses proches. Cependant, ils n'apprirent jamais rien au sujet de la vie antérieure de leur fils unique qui semblait n'en avoir gardé aucun souvenir. Lorsqu'on le questionnait, l'orphelin soutenait inlassablement le pesant silence de l’ignorance. Son éducation reposa essentiellement sur les principes chrétiens que lui inculquèrent ses parents, eux-même fervents croyants et pratiquants. L'enfant était très attiré par la religion, à tel point qu'il était persuadé de communiquer avec les anges, ses seuls véritables amis. En grandissant, Dimitri s'avéra être un garçon réservé et distrait, préférant la solitude à toute forme de compagnie, et étant particulièrement réceptif à la musique. C'est d'ailleurs à l'aube de son neuvième anniversaire qu'il se découvrit un véritable don pour le violon. Il passait tout son temps libre avec son Stradivarius sous le menton, à jouer au milieu de la forêt aux charmes obscurs qui bordait leur propriété. Passionné et inépuisable, il devint bientôt un musicien hors pair. Les années défilaient, et Dimitri perdait peu à peu sa candeur enfantine pour porter un nouveau regard sur le monde tel qu'il était. Sa musique ne perdait en rien de son éclat, mais acquerrait avec les années un charme beaucoup plus nostalgique. Toutefois, il menait une existence aussi prosaïque que narcotique, le défiant à chaque instant de l'écraser sous son poids. C'était en cette période que le jeune homme remit sa subsistance en question, n'ayant pas encore découvert le dessein que l'on lui avait réservé le jour de sa naissance. Et c'est lors d'un étrange songe que la vie du jeune violoniste bascula finalement. Il ne s'agissait pas là d'un rêve trivial, mais bel et bien d'une révélation divine. Dimitri su alors que son avenir se trouvait en Europe, à Londres même et sans perdre un instant, il se para pour le voyage. Cane et Lena Stojkanovic subirent la soudaine et surprenante décision de leur fils -alors âgé de dix-neuf ans- et celle-ci était irrévocable. Arrivé en terre britannique, il s'installa et ouvrit une petite boutique d'horlogerie, une passion qu'il partageait avec son père.