« Bonjour !
Je m'appelle Mantorok Levy et l'on me surnomme Manty. Je suis né le Date de naissance quelque part en Afrique, ce qui me fait 45 ans. Je suis un Homme. Je suis bisexuel et actuellement Célibataire. Mon principal défaut est ma possessivité dans son sens large et ma qualité majeure est ma loyauté. »

D.Gray-Man

 Physiquement, on peut dire que j'ai quelques particularités, effectivement. Commençons par ma forme humaine, voulez-vous ? Sous cette apparence-ci, j'arbore une longue chevelure d'un rouge carmin relativement sombre. Pas vraiment lisses, lorsque le temps devient humide ils ont la fâcheuse tendance à onduler n'importe comment. J'avoue que j'en suis plutôt fier, donc j'évite de trop la malmener, sans pour autant devenir une sorte de diva qui aurait peur de fiche en l'air sa mise en plis, si vous voyez ce que je veux dire. L'écarlate de mes cheveux se remarque d'autant plus que ma peau est franchement pâle. Sans avoir le teint maladif, parfois on pourrait me prendre pour un Vampire ! Au passage, ça ne me plairait pas des masses, je ne supporte pas ces fichues sangsues... Mais passons, ce n'est pas le sujet. Au niveau de mon visage, il n'y a rien de particulier à dire, hormis peut-être que j'ai les traits assez fins et nets, des lèvres fines qui sont parfaitement ordinaires, et même mes yeux en amande n'ont rien de fabuleux, puisqu'ils sont noisettes. Ah peut-être puis-je ajouter que j'aime bien me laisser pousser une légère barbe, que j'entretiens avec le même soin que ma tignasse. A ce qu'il paraît, l'habit fait le moine, de nos jours... C'est pourquoi, afin de me fondre dans la masse au mieux, je revêts des vêtements assez passe-partout. Un pantalon noir, une chemise blanche, le tout recouvert d'un long manteau tout aussi noir. Ceci dit... Vous me ferez remarquer que je porte une sorte de chapelet en argent autour du cou, au bout duquel pend une croix du même métal finement ouvragée, et vous me direz qu'on a vu plus discret. A cette remarque je vous réponds... Eh bien tout d'abord de vous mêler de vos affaires, mais oui, vous avez un bon sens de l'observation. Ce chapelet n'est pas à moi, à l'origine. Mais aujourd'hui il ne me quitte plus.

Ensuite, venons-en à mon autre apparence. Celle sous laquelle je suis né. Et non, je ne suis pas un léopard ! Bon Dieu, vous ne voyez donc pas ces tâches d'un noir uni -bien plus petites que celles qui parent les flancs de mes cousines panthères- constellant ma fourrure dorée aux reflets de miel ? Je suis un guépard, mon corps tout entier est taillé pour la course et la chasse. Après tout, ma race est censée être la plus rapide parmi les créatures terrestres. Mes larges pattes aux griffes rétractiles me permettent une excellente accroche au sol lorsque je m'élance, même à pleine vitesse, et la grande souplesse de mes articulations est génétiquement calculée pour accompagner au mieux l'effort de ma puissante musculature. Comme tous les guépards, je suis haut perché sur mes pattes, et mon corps est une mécanique fragile. La moindre blessure pourrait m'empêcher de bouger à ma guise.

Par où commencer... ? Ah oui. Etant né guépard, je ne suis pas censé être quelqu'un de très sociable. Et pourtant, à présent j'ai du mal à rester seul sur de longues périodes. Oh j'aime toujours avoir des moments où je peux flemmarder comme bon me semble sans qu'on vienne me déranger, mais j'apprécie de savoir que lorsque j'en aurais envie, je trouverai quelqu'un avec qui discuter, ou simplement me poser. A propos de flemmarder... Je reste un gros chat. Ne vous étonnez donc pas si vous me voyez jouer les carpettes en plein soleil durant des heures, ça n'a rien d'étonnant quand on me connaît. Après tout, ici je n'ai pas besoin de chasser pour me nourrir (bien que parfois je m'amuse à le faire, histoire de garder la forme), je peux donc me permettre de faire la feignasse. Et puis mine de rien, je commence à prendre de l'âge. D'ailleurs, j'aime bien le faire remarquer ça. Les phrases comme « je deviens trop vieux pour ces conneries » ou bien « ces jeunes, plus aucun respect pour leurs anciens de nos jours » sont monnaie courante dans ma bouche. Même si au final, j'ai encore quelques dizaines d'années à vivre.
On peut dire que j'ai mauvais caractère, oui. Je ronchonne beaucoup, et souvent pour trois fois rien, oui. Mais je ne suis pas non plus un grand méchant ronchon pour autant. J'ai énormément de mal à accorder ma confiance, mais une fois que c'est fait, je suis l'une des créatures les plus fidèles que porte cette terre. Ma nature de félin me rend également possessif, jaloux et territorial. Je déteste qu'on empiète sur mon espace vital, qu'on me prenne ce qui m'appartient, qu'on touche les personnes que j'aime. Cependant, ça fait également de moi un être particulièrement joueur. J'ai la fâcheuse tendance à avoir envie de courir derrière la première pelote de laine qui se présente, tout comme j'adore mettre le bazar au milieu des oiseaux, ou faire peur aux gens qui ne me connaissent pas.
Je sais également être doux, attentif et compréhensif lorsque la situation l'exige. Ce qui ne m'empêche pas d'avoir un instinct de prédateur né. Je sais tuer, et je n'hésite jamais à le faire, si nécessaire. Même si je ne cautionne pas le fait de tuer inutilement, je ne vois pas où est le problème à le faire. A ce niveau-là, je pense encore comme un guépard. Ma mère m'a élevé avec une philosophie de vie simple, mais fondamentale : seuls les plus forts survivent. Alors désolé si parfois ma façon de penser peut vous choquer. Quoique, avec tous les monstres qui traînent dans les parages de nos jours... Je dois passer pour un bien gentil chat d'intérieur ! Mais comme on dit, il faut se méfier de l'eau qui dort...

Je suis né en Afrique, il y a de cela quarante cinq ans. Ma mère était l'une des femelles guépards les plus méritantes du territoire, ayant déjà mené jusqu'à l'âge adulte plusieurs portées. Ceci dit, avec moi elle a donné dans l'inédit. Pour commencer, j'ai été le seul petit qu'elle mit au monde, cette année-là. Avec le recul, je pense que c'est à cause de ce que je suis. Comme on dit, la Nature n'inflige jamais plus que ce qu'on peut supporter, alors un seul cas comme le mien suffisait amplement. Malaika -ma mère- réalisa rapidement que j'étais complètement différent de ses précédents enfants. Ma croissance était plus lente que la normale, mais comme pour compenser, j'étais plus solide et plus débrouillard. Sentant le danger pour moi, elle décida de s'éloigner des basse-terres et surtout des Humains, pour rejoindre un territoire plus isolé et inaccessible, où je pourrais grandir en sécurité.
C'est grâce à l'attention de tous les instants d'une mère aimante que je passai une enfance plus ou moins tranquille. Je vous laisse imaginer la réaction de Malaika quand je pris pour la première fois une apparence humaine ! Quoique ma tête devait être pas mal à voir, aussi... Enfin bref. Certes j'avais grandi plus lentement qu'un jeune guépard lambda, mais plus rapidement qu'un enfant humain, de sorte que j'atteignis l'adolescence en étant parfaitement à-même de chasser et de me débrouiller seul. Ceci dit, je ne souhaitais pas m'éloigner de ma mère. Pas encore. J'eus la chance qu'elle accepte de me garder auprès d'elle, et je la suivis donc jusqu'à notre ancien domaine, où les proies seraient plus nombreuses. C'est là que les choses dérapèrent...

Arriva un jour où je fis preuve de négligence, et un groupe d'hommes me vit passer d'humain à guépard. Comme vous devez vous en douter, ils se firent un devoir de me prendre dans leurs filets, et y parvinrent. Le dernier souvenir qui me reste de mon pays natal est une série d'images floues où je distingue de plus en plus difficilement des visages penchés au dessus de moi, tandis que je sombre dans le sommeil de plomb causé par les tranquillisants.

A mon réveil, ce fut le choc total. Je me trouvais dans une cage, au milieu d'une ville d'hommes que plus tard je connaîtrai sous le nom de Londres. Ma mémoire a dû occulter le voyage depuis l'Afrique, car aujourd'hui encore je ne me souviens de rien. Moi qui étais habitué aux grands espaces, j'eus l'impression de rester enfermé durant une éternité. Et honnêtement, je pensais mourir derrière ces barreaux. Heureusement pour moi, ce ne fut pas le cas.
Je crois que je n'oublierai jamais ce matin-là. Un jeune humain, à peine adulte, s'arrêta devant ma cage et me fixa longuement. Bon, ce n'est pas comme si je n'en avais pas l'habitude, mais lui... Il avait quelque chose de différent au fond de son regard. Comme s'il voyait l'être conscient qui se cachait sous la fourrure et les crocs.
Il se trouve que cet homme était l'un des nobles des environs, répondant au prénom de Neil, et sans savoir dans quoi il s'embarquait exactement, il me prit avec lui, et me donna le nom que je porte aujourd'hui. A prix d'or, évidemment, après tout je n'étais pas un animal comme les autres.

Franchement ? Au début ce ne fut pas facile de m'adapter. J'avais encore de forts instincts sauvages, même si le temps passé en captivité m'avait tout de même rendu moins agressif. Mais au fil du temps, des années même, je finis par devenir un parfait gros chat de salon. J'avais compris que dans cette immense demeure, pas une personne ne me voulait du mal, et que j'avais tout intérêt à faire patte de velours moi aussi. Alors je me suis dévoué corps et âme aux tâches qu'on me confiait. Mes deux apparences servaient tout autant l'une que l'autre, et je ne mis pas bien longtemps à apprendre la langue locale. Pour ce qui est de la lecture et de l'écriture, ça vint bien plus tardivement, mais à présent ça ne me pose plus aucun problème.
C'est avec joie que je vis l'homme que je considérais comme mon maître bâtir sa vie, se marier et fonder une famille. Les petits humains sont d'ailleurs très amusants, quand ils ne vous tirent pas les moustaches ! Grâce à l'exemple que m'avait donné ma mère, je savais comment je devais me comporter avec les enfants, et c'est en toute confiance que leurs parents les laissaient jouer entre mes pattes ou dormir contre mon flanc. Oui, on peut dire que j'étais heureux, à cette époque. Je prenais de l'âge et m'assagissais, patrouillais dans les vastes jardins du domaine, racontais aux enfants les légendes et les récits de mon pays... Je me voyais déjà finir ma vie dans cet endroit.

Sauf que la malchance semblait bien décidée à s'acharner sur moi. Il y a environ cinq ans, une épidémie mystérieuse décima la famille entière de mon maître, lui excepté. Fidèle comme je l'avais toujours été, je tentais de lui apporter le peu de réconfort dont j'étais capable, mais je pouvais sentir que son cœur était brisé. Et c'est alors qu'il se trouvait au plus bas qu'elle fit son apparition. Cette garce qui servait de sœur cadette à Neil. Elle se montra mielleuse, comme d'habitude, et je semblais être le seul à percevoir le poison qui se cachait derrière ses mots. Instinct animal, sans doute... Cependant, ce qu'elle allait provoquer par la suite, je ne m'y attendais absolument pas. Attirée par l'appât du gain et le désir d'hériter seule de tout ce que leur famille possédait, elle n'hésita pas à assassiner son propre frère, profitant que j'étais absent de la maison pour agir. A mon retour, je ne trouvais que le cadavre déjà froid et rigide de mon maître, et la demeure qui autrefois était pleine des rires des enfants était atrocement vide et silencieuse. Avec la détestable impression qu'on venait de m'arracher ma raison même de vivre, je récupérai le rosaire qui gisait sur le corps inerte de Neil et le passai autour de mon cou, avant de me changer à nouveau en guépard pour prendre la fuite.

Cela dit, je ne comptais pas en rester là. Il me fallut pratiquement une année entière, mais je finis par remettre la patte sur cette immonde racaille qui avait tué mon maître. Mon verdict fut sans appel, et ma sentence immédiate. Je lui sautai à la gorge pour y planter aussi profondément que possible mes crocs. Je ne lâchai prise que lorsque je sentis qu'elle avait cessé de se débattre depuis plus d'une minute. Et une nouvelle fois, je m'évanouis dans les airs.

Aujourd'hui, j'ai décidé de porter le patronyme de Neil, comme pour permettre à sa famille de perdurer malgré tout, et j'essaie de vivre comme je peux. La vengeance m'a soulagé sur le coup, mais pour dire vrai, elle n'a pas effacée la douleur. Je ne suis plus tout jeune, mais j'ai encore quelques années devant moi, et avant de rendre l'âme, je compte bien en profiter un peu. Après tout, le métier de mercenaire présente certains avantages, non ?